Zamikhaya Maseti|Publié
Zamikhaya Maseti
Le lancement d’Unite for Change (UFC) par Patricia de Lille, Mmusi Maimane et Songezo Zibi pourrait marquer un tournant dans le paysage politique sud-africain. Cette nouvelle formation peut offrir aux électeurs une alternative crédible à long terme, qui transcende les divisions partisanes enracinées de l’ère post-apartheid.
Positionné comme un mouvement politique centriste, Unite for Change met l’accent sur le renouveau national plutôt que sur les intérêts partisans étroits. Ses architectes cherchent à unir les Sud-Africains derrière une vision commune basée sur un leadership éthique, la reprise économique, la prestation de services et la justice.
Le mouvement cherche à remodeler le débat national, loin de la rigidité idéologique et du factionnalisme, vers un programme pragmatique de reconstruction. En cas de succès, l’UFC pourrait reconfigurer l’équilibre des forces au sein de la démocratie mature de l’Afrique du Sud et introduire un terrain d’entente viable dans un système autrement polarisé.
La politique, comme la nature, est un écosystème impitoyable ; il n’y a pas de sanctuaire pour les faibles. Cette analogie reflète l’état actuel de la politique sud-africaine, un écosystème d’épuisement moral et de décadence institutionnelle.
Dans ce vide, United for Change émerge, cherchant à occuper l’espace moral et politique laissé ouvert par les dirigeants défaillants et les partis d’opposition fatigués. Le défi du mouvement n’est pas seulement de se présenter comme nouveau, mais aussi d’inciter la majorité désillusionnée à croire à nouveau que la démocratie peut produire des résultats.
La tragédie de l’évolution politique après 1994 est que ceux qui étaient chargés de la transformation révolutionnaire ont abandonné la poste. L’autorité s’est érodée ; la clarté morale s’est estompée ; conscience soumise par les péchés du souci. Unite for Change a identifié cette lacune et se positionne désormais comme un correctif moral, une force civique de renouveau au milieu des ruines d’une promesse trahie.
Le véritable test, cependant, consiste à savoir si l’UFC peut développer une proposition politique convaincante, capable d’attirer des électeurs indécis et peu engagés. Leur succès dépendra de leur capacité à pénétrer les épaisses couches d’apathie politique qui recouvrent l’électorat. Cela ne devrait pas seulement appeler à l’unité mais aussi encourager la foi. Pour ce faire, son pedigree moral et politique sera crucial.
L’UFC doit également être défini en dehors des divisions historiques de l’ANC. Il ne peut s’agir d’un fragment recyclé de politique de libération, ni d’un autre écho sanctifié de nostalgie. Sa survie dépend de la projection d’une nouvelle grammaire politique, libérée du poids du passé et enracinée dans la discipline, les convictions éthiques et la compétence. Cette distinction déterminera si elle émergera comme une véritable alternative ou si elle s’effacera au rang des expériences nobles mais ratées.
Il est encourageant de constater que De Lille, Maimane et Zibi ne recourent pas aux symboles éculés de la politique de libération : le poing, la lance, le marteau et la faucille. Ils représentent une table rase, entrant en scène sans invoquer l’héritage de la libération qui a longtemps servi de monnaie morale au fil des années.
Cependant, De Lille et Maimane portent des ombres politiques qui peuvent les suivre, rappels d’expériences mais aussi de batailles inachevées et d’incohérences perçues. Leur défi sera de convaincre l’opinion publique que cette fois ils défendent quelque chose de plus grand que la résurrection politique.
Relativement nouveau en politique, Songezo Zibi incarne la clarté intellectuelle et la discipline managériale. Même si son accession au Parlement en 2024 reste fragile, elle pourrait servir de ciment fédérant les diverses ambitions du mouvement. Son expérience en entreprise peut ancrer la philosophie de gouvernance éthique et d’exécution disciplinée de l’UFC, qualités dont la politique sud-africaine a un besoin urgent.
L’attrait national de l’UFC dépendra de sa capacité à articuler une vision idéologique cohérente qui trouvera un écho au-delà de la classe moyenne urbaine. Leur perspective centriste doit se traduire par des politiques concrètes qui répondent à la fois aux aspirations de la classe ouvrière et aux frustrations de la classe moyenne. Combler le fossé socio-économique de l’Afrique du Sud, entre ceux qui sont piégés dans la pauvreté structurelle et ceux aliénés par la corruption des élites, nécessite une autorité morale et des compétences politiques stratégiques.
Le mouvement doit également éviter le danger éternel des startups sud-africaines : un consensus d’élite sans profondeur à la base. Sans une fondation organique parmi les jeunes, les travailleurs et les dirigeants communautaires, l’UFC risque de devenir juste un autre projet de professionnels mécontents. Un mouvement construit dans les salles de réunion et les studios de diffusion ne peut pas remplacer un mouvement ancré dans les expériences vécues des citoyens ordinaires.
Sa durabilité dépendra en fin de compte de la question de savoir si les Sud-Africains en arriveront à considérer United for Change non seulement comme un autre parti, mais comme un réveil moral, un mouvement civique qui revendique la démocratie après la lassitude de la nostalgie de la libération et du théâtre de l’opposition. L’émergence de l’UFC témoigne du profond désir du pays de renouveau éthique et de restauration institutionnelle après des années d’érosion démocratique.
S’il parvient à fusionner une vision morale avec les exigences pragmatiques de la gouvernance, il pourrait devenir le nouveau centre de gravité du spectre politique changeant de l’Afrique du Sud, une force qui n’idéalise pas le passé ni ne cède à l’impatience populiste. Mais si cela échoue, cela confirmera simplement que la politique sud-africaine est devenue un cimetière de nobles intentions, où toute nouvelle expérience meurt sur l’autel de la convenance et de l’ego.
Les années à venir testeront donc si l’UFC peut transcender la rhétorique et le symbolisme pour devenir un véritable véhicule de renouveau national, ou si elle sera elle aussi dévorée par les lois impitoyables de la jungle politique dans laquelle elle cherche à naviguer.
Comme son homologue spirituel de l’autre côté de la frontière, le Parapluie pour le changement démocratique au Botswana sous la Douma de Boko, l’UFC offre un auvent métaphorique contre les tempêtes de la décadence politique et de la mauvaise gestion.
Le mouvement Boko cherchait à protéger les citoyens de près de soixante ans de règne ininterrompu du Parti démocratique du Botswana, où la démocratie était devenue une routine et un rituel de gouvernance. De la même manière, l’UFC cherche à protéger les Sud-Africains non seulement du désespoir, mais aussi sous le couvert d’une foi renouvelée dans la démocratie, le leadership et l’avenir collectif de la République.
* Zamikhaya Maseti est analyste en économie politique et titulaire d’une maîtrise en politique et économie politique sud-africaines de l’Université Nelson Mandela.
**Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement celles d’IOL, d’Independent Media ou de The African.



















