ENTREPRISE
Professeur Joseph Sekhampu|Publié
Lorsque le président Cyril Ramaphosa a annoncé le plan d’action économique en 10 points lors de la réunion de l’ANC, la nation a soupiré – non pas de défi mais de reconnaissance lasse. Nous sommes devenus un peuple avide de réformes mais manquant de renouveau.
Le plan promettait des mesures décisives pour stimuler la croissance, améliorer l’énergie et la logistique, relancer l’industrie et restaurer la confiance. Son accent sur la stabilisation du réseau, l’ouverture des chemins de fer et des ports à la participation privée, l’investissement dans les infrastructures, le soutien aux petites entreprises et la professionnalisation des services publics témoignent de véritables priorités.
Pourtant, la scène semblait familière. Autre projet, autre promesse, autre moment de renouveau public. Il traitait des dysfonctionnements par la procédure plutôt que par la transformation, affirmant la capacité du système à se réformer mais pas à changer.
C’est le paradoxe de la machine politique. L’État ne résiste pas aux réformes ; il l’absorbe. Elle parle le langage du renouveau, adopte l’attitude de responsabilité et accomplit les rituels de purification tout en préservant les relations qui la maintiennent intacte. Ce qui apparaît comme une rupture est souvent un acte de réparation, non pas des institutions, mais de la légitimité. Le système se réforme non pas pour changer, mais pour survivre.
L’économie politique donne un langage à cette situation. Dans les systèmes où l’autorité dépend de réseaux de loyauté et d’accès, la réforme devient un mécanisme d’auto-préservation. Les gouvernements incapables d’agir apprennent à agir, perfectionnant l’art de paraître réactifs à travers des plans, des groupes de travail et des commissions qui traitent l’indignation sans altérer la logique du pouvoir.
L’expérience sud-africaine reflète ce rythme. Les commissions Zondo et Seriti, ainsi qu’une myriade de cadres politiques – du RDP au NPD en passant par le plan en 10 points – ont découvert un modèle cohérent de responsabilité procédurale sans changement structurel.
Chaque image commence par une conviction et se termine par une fatigue, suggérant non pas un échec de planification mais un échec de coordination. Nous maîtrisons l’art de créer des stratégies sans apprendre à les maintenir. Le résultat est un État qui renouvelle sa crédibilité à travers des processus plutôt que des résultats, où la responsabilité est procédurale plutôt que morale.
Il y a une nouvelle tournure dans ce cycle. Le plan en 10 points est arrivé au GNU et les principaux partenaires l’ont critiqué presque immédiatement. Un projet censé symboliser des objectifs communs a montré à quel point le système gouvernemental est en réalité divisé. Le pays a désormais un gouvernement qui négocie avec lui-même. Fondamentalement, cette négociation pourrait renforcer la responsabilité. Dans la pratique, il existe un risque que les réformes se transforment en diplomatie. Lorsque chaque décision est prise en interne, la cohérence est la première victime.
Pour que la réforme réussisse, elle doit dépasser les nouveaux cadres et apprendre à construire une coordination dans deux directions : horizontalement entre les départements et les ministères et verticalement entre les niveaux national, provincial et municipal. La coordination horizontale signifie aligner les politiques économiques, sociales et infrastructurelles afin que chacune aboutisse au même résultat, plutôt que de rivaliser pour la visibilité ou les budgets.
La coordination verticale signifie renforcer le lien entre les priorités nationales et la mise en œuvre locale. L’économie vit dans les communautés, pas dans des mémorandums. Sans municipalités compétentes, sans administrateurs professionnels et sans administration locale stable, les plans nationaux restent des espoirs cachés dans les rapports.
Les priorités ne sont pas déplacées. Lier les politiques énergétiques et industrielles pourrait revitaliser les capacités productives qui ont longtemps été paralysées par la fragmentation. Autoriser la participation privée à la logistique pourrait permettre de réaliser des gains d’efficacité qui ont été supprimés par les monopoles.
Si les revenus sont canalisés de manière transparente vers les infrastructures, cela pourrait constituer la base d’une croissance inclusive. Ce sont de bonnes idées. La question n’est pas de savoir si le plan est judicieux, mais si l’État peut le mettre en œuvre avec discipline et intégrité. Les réformes n’auront d’importance que si la professionnalisation devient une pratique et si la compétence est plus importante que la loyauté.
Le danger le plus profond du schéma actuel est d’ordre psychologique. De nombreux Sud-Africains se sont habitués à mettre en œuvre des réformes. Vous voyez le scénario : une annonce présidentielle, une promesse de livraison accélérée, une nouvelle unité présidentielle, puis le silence. Le langage de l’espoir est devenu prévisible.
Au fil du temps, cela ne conduit pas à la colère mais à la fatigue. La conséquence la plus destructrice d’une réforme adaptative n’est pas l’indignation mais la résignation. Lorsque les citoyens ne croient plus que les réformes peuvent rendre justice, ils cessent de les exiger. Une démocratie qui perd son énergie morale perd peu à peu son sens.
Chaque présidence, aussi bien intentionnée soit-elle, présente le même dilemme. Pour gouverner efficacement, il faut s’appuyer sur les structures mêmes qui reproduisent les dysfonctionnements. Toute tentative de réforme est limitée par la peur d’une déstabilisation. De cette manière, l’Afrique du Sud est devenue un pays de mesures partielles : suffisamment de réformes pour maintenir l’espoir, mais pas assez pour menacer l’architecture de loyauté sous-jacente de l’État.
La vraie réforme commence là où s’arrête le confort. Cela menace les intérêts et non les apparences. Cela déplace le pouvoir des réseaux de fidélisation vers les systèmes juridiques et de compétences. C’est pourquoi une véritable réforme est si difficile. Elle ne peut pas être traitée avec la même logique qui a perfectionné la décadence. Cela nécessite un courage d’un autre type – un courage moral et non une détermination rhétorique. Le véritable test du leadership n’est pas de savoir si l’on peut annoncer une réforme, mais si l’on est prêt à perdre des camarades dans la mise en œuvre de cette réforme.
Malgré toutes ses imperfections, le plan en 10 points reflète la capacité de la nation à se corriger. Son succès dépendra moins de l’élégance de sa conception que du courage de gouverner différemment. Le défi pour l’Afrique du Sud n’est plus le manque de vision, mais le manque de direction. Les réformes doivent cesser d’être un rituel de renouveau et devenir une discipline de mise en œuvre. Cela nécessite des municipalités compétentes, une administration professionnelle et une culture politique qui valorise la compétence plutôt que la camaraderie.
Si ce plan veut faire une différence, il doit restaurer la confiance là où règne le cynisme, la cohérence là où prévaut la fragmentation et l’intégrité là où la complaisance a longtemps prévalu. La tâche du gouvernement n’est pas simplement de mettre en œuvre des réformes, mais de démontrer que l’État peut servir sans intérêt personnel. Ce n’est qu’alors que la promesse du renouveau passera de la rhétorique à la réalité, et que la réforme ne sera plus une question de survie mais plutôt un travail tranquille de reconstruction.
Par le professeur Joseph Sekhampu, directeur en chef de la Business School de la North-West University (NWU).



















